La traduction automatique peut-elle remplacer l’être humain

traduction automatique

Alors que le marché de la traduction connaît un véritable essor et, selon les estimations, atteindrait en 2020 un chiffre d’affaires de l’ordre de 45 milliards de dollars grâce à une progression annuelle d’environ 6%, le métier de traducteur serait-il menacé par la traduction automatique ?

Les outils de traduction automatique déjà utilisés par les professionnels

Les traducteurs disposent aujourd’hui de logiciels de traduction assistée par ordinateur, communément appelés les outils TAO (logiciels de traduction assistée par ordinateur ou CAT tools, Computer-assisted translation Tools). Parmi ces outils figurent d’une part les mémoires de traduction ou les TM pour Translation Memory en anglais : entièrement constituées par les traducteurs eux-mêmes au cours du processus de traduction, elles servent à enregistrer dans une base de données un texte traduit, divisé en segments, et à le reproduire partiellement ou intégralement en cas de besoin. Le traducteur intervient tout au long de ce processus, c’est lui qui décide d’accepter la traduction proposée par la TM, de la modifier ou de la refuser et de traduire le segment en question de manière différente si le contexte s’y prête. La nouvelle traduction viendra alors s’ajouter à la mémoire. D’autre part, le traducteur dispose des bases de données terminologiques : elles permettent d’établir une liste de mots accompagnés de leur définition et d’exemples de contexte dans lequel ils apparaissent. 

Dans les cas précités, il ne s’agit aucunement de ce que l’on qualifie communément de logiciels de traduction automatique, mais bien de logiciels d’aide à la traduction dont l’utilité et l’efficacité sont conditionnées par les capacités de l’humain qui les alimente.

Ces logiciels prennent également en charge des tâches fastidieuses, telles que la mise en page, en permettant au traducteur de se concentrer uniquement sur le processus linguistique, de travailler plus rapidement et de manière beaucoup plus qualitative et soignée.

Les outils de traduction automatique sur Internet sont à proscrire dans le cadre professionnel

Tout le monde connaît aujourd’hui les outils mis à disposition par Google, (tels que Google Translate ou Wordlens), ou par Microsoft (Bing Translator, Skype Translator) et Systran.

Ces géants du Web ont investi des sommes colossales dans les logiciels de traduction automatique qui, à l’heure actuelle, permettent à peine à un utilisateur lambda de comprendre l’idée générale d’un texte et encore… .

S’il arrive à restituer correctement la formule de politesse connue de tous :

"How are you?"

"Comment vas-tu ?" 

 

 


…le logiciel peine lorsqu’il s’agit des phrases moins courantes, et pourtant simples : ainsi, la personne que l’on propose d’héberger risque de mal prendre le fait d’être «mis en place »…. 

"I'll put you up"

"Je vais te mettre en place"


L’utilisation de logiciels de traduction automatique montre rapidement ses limites, ainsi que le montre l’exemple ci-dessus, raison pour laquelle elle est fortement déconseillée dans le cadre professionnel, si l’on veut rester crédible et préserver des relations cordiales avec ses clients.

Mais c’est est sans compter sur les énormes progrès de la technologie et leur corollaire……

Et l’intelligence artificielle (IA) dans tout ça ?

C’est cet « ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence humaine » comme le définit Larousse, qui serait davantage susceptible de menacer le métier de la traduction.  

L’intelligence que l’on qualifie d’artificielle est basée sur l’apprentissage automatique (ou « machine learning » en anglais). Les machines utilisent des méthodes d’apprentissage statistiques afin d’extraire automatiquement des modèles, configurations et styles similaires parmi des centaines de millions de documents pré-traduits par des humains et établir des suppositions intelligentes. Vous l’aurez compris : plus il y a de documents traduits dans une langue et plus la traduction sera pertinente.

 

Google va même plus loin, en combinant les avantages de règles, de statistiques et d’un support neuronal. Une traduction automatique « neuronal » nécessite une fraction de la quantité de mémoire comparée à l’approche statistique, toutes ces extensions étant reliées conjointement à un réseau neuronal afin de favoriser la qualité de la traduction. Ce type d’intelligence artificielle s’appelle Deep Learning. Les moteurs neuronaux examinent la grammaire et la syntaxe de la phrase en langue source, ainsi que le contexte et le lexique afin d’obtenir un rendu de traduction bien meilleur que la méthode statistique. 

 

Les outils de traduction automatique présentent d'indéniables avantages en matière d'analyse statistique, leur inconvénient majeur est cependant l’incapacité à analyser le sens. Ce dernier ne relève pas des statistiques, mais des capacités cognitives dont la machine est dépourvue. Encore une fois, la traduction ne se résume pas à une juxtaposition des mots, c'est un exercice complexe, qui fait appel à de nombreuses compétences. Une erreur de traduction peut avoir des conséquences désastreuses, après tout « Mokusatsu » n'est pas la seule erreur qui a changé le cours de l'histoire.

 

On a du mal à imaginer une machine traduire une plaidoirie ou un texte de loi complexe, une recherche scientifique ou un discours émaillé d'effets de style ou visant à plaider une cause particulière.

 

Les traducteurs et les machines travaillent ensemble depuis des années déjà: les avancées technologiques, utilisées à bon escient, sont un allié du traducteur. Elles constituent une aide précieuse, mais ne garantissent aucunement une qualité satisfaisante que seul un traducteur humain est capable de fournir. La marge d'erreur d'une machine persistera toujours, raison pour laquelle tout traducteur qui entend exercer son métier dans le respect des règles de l'art fera appel à ses compétences et à son jugement, plutôt que de se fier aux statistiques d'une machine, fût-elle la plus (artificiellement) intelligente. 

L’être humain traducteur a encore de beaux jours devant lui

 Pour faire face aux défis que présente le processus de traduction, le linguiste fait appel à ses capacité cognitives. Ces dernières lui permettent de comprendre le sens du texte traduit, de le restituer le contexte dans la langue cible, de transposer le style de la langue source en langue cible, de faire appel aux émotions du lecteur.

Il doit pour cela analyser le discours en profondeur, déconstruire les structures des phrases, faire appel à l’imagination, à l’association d’idées, aux connaissances de la culture : aucune machine n’est capable à ce jour d’appréhender autant de subtilités.

La désormais célèbre scène de la dinde farcie de Mr Bean a faire rire des millions de spectateurs mais la réplique « Have you got the turkey on » a donné du fil à retordre aux traducteurs. Pour ceux qui ne connaissent pas l’anglais, la phrase a un double sens, celui de mettre la dinde au four mais aussi de porter quelque chose sur soi, tel un chapeau, par exemple. Évidemment, la question « Avez-vous la dinde sur » traduit par Google translation, ne ferait rire personne…. .

En revanche « Avez-vous farci la dinde », réplique astucieusement transposée par le traducteur français laisse chaque spectateur hilare. En restituant le ridicule de la situation avec justesse, cette traduction joue sur un double sens et n’est pas sans rappeler une expression imagée de notre belle langue, à savoir «Être le dindon de la farce ». 

C'est le contexte qui permet de déterminer le sens des mots. C'est en naviguant entre l'esprit créatif et la capacité d’analyse du contenu que le traducteur arrive à faire passer les idées véhiculées par le texte source sans se perdre dans les méandres de sous-entendus, de jeux de mots ou de l'ironie et à déjouer les pièges de l’homonymie et de la polysémie auxquels la machine a du mal à échapper. C'est par ce qu'il a le souci du mot juste, de clarté, d'élégance, qu'il va systématiquement rendre beau et intelligible tout texte traduit, même si la source est de piètre qualité. Jouer, s'amuser avec les mots, toucher ce qu'il y a de moins tangible et pourtant d'essentiel chez un lecteur, aucune machine n'est capable de le faire. Mandela disait: «Si vous parlez à un homme dans une langue qu'il comprend, vous parlez à sa tête. Si vous lui parlez dans sa langue, vous parlez à son cœur». On n'oserait pas le contredire et c'est pour cela que l'on peut affirmer que la traduction a encore de beaux jours devant elle! 

 

le saviez-vous?

7000 langues sont parlées dans plus de 200 pays peuplés par environ 7 milliards d’habitants répartis sur le globe.

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